Les citations et les extraits issus des registres des conseils municipaux de Saint-Urbain sont reproduits en « italique » avec leurs éventuelles fautes d’orthographe.
La session de mai 1926 aborde le sujet de l’électrification de Saint Urbain. Le conseil « vote 140 francs en vue des études d’un réseau de distribution d’énergie électrique ». Monsieur le maire exposant au conseil « les avantages que présenterait pour les habitants de la commune la distribution de l’énergie électrique à la fois en vue de l’éclairage et de la force motrice ». Chacun sait l’importance de l’électricité dans notre vie quotidienne, notamment lors de différentes longues coupures d’EDF.
La séance du 26 octobre 1946 est riche en enseignement sur la physionomie de notre commune à la sortie de la guerre. Le principal sujet est le projet d’électrification du bourg. Le maire de l’époque, Jean-Louis BILLANT dresse un portrait de notre commune pour laquelle, il y aurait « le plus grand intérêt à être dotée d’un réseau de distribution d’énergie électrique ». « La commune est essentiellement agricole, que sur la population de 620 habitants, 500 personnes ont […] la qualité d’agriculteurs et sont réparties sur 90 exploitations (aujourd’hui seulement 14), et […] que sur une superficie totale de 696 hectares de terres labourables 300 ha sont, en année moyenne, consacrées aux cultures suivantes, blé, avoine et orge. » « On y relève ainsi les quantités de bestiaux (boucherie) (boeufs) 150, (veaux) 200 ».
Le maire explique que « l’utilisation de l’énergie électrique dont les applications aux travaux agricoles sont multiples et sans cesse étendues, ne pouvait que faciliter et rendre plus abondante la production tout en suppléant dans une appréciable mesure au manque actuel de main d’œuvre. »
Mais le maire ne pense pas qu’aux bêtes et à l’agriculture, mais aussi à la culture. Aussi il précise qu’« il sera dans la nouvelle ménagère rurale qui se crée à Créach Balbé à 80 mètres du bourg sinon impossible, du moins très difficile de donner sans électricité aux élèves d’abord puis aux jeunes filles des campagnes qui viendront suivre des cours, l’instruction nécessaire. »
Le maire ne connaît pas encore les estimations du coût de tels travaux, mais estime que la commune aura « recours à un emprunt d’une durée de 25 à 30 ans », et que ces travaux « se feront par tranches, le 1er secteur électrifié sera le bourg et la ménagère agricole ».
Le registre des délibérations transcrit que « le conseil ouï l’exposé du maire, considérant que l’établissement d’un réseau de distribution d’énergie électrique serait pour la commune d’une importance essentielle ». Il « sollicite, le concours gratuit du service du génie rural pour l’étude technique du projet et l’allocation pour l’exécution ultérieure des travaux d’une subvention sur les fonds du budget du ministère de l’agriculture ».
Il faut savoir que l’électrification rurale en France a connu des développements différents selon les départements et les régions en fonction des conditions naturelles et des facteurs politiques et administratifs locaux. Ainsi les départements de l’Ouest, et plus particulièrement ceux de la Bretagne, furent les plus difficiles à électrifier. Les raisons en sont nombreuses : une population très dispersée et répartie sur toute la commune, de petites exploitations qui pratiquent la polyculture et l’élevage, des bâtiments agricoles et des fermes de taille modeste, un grand nombre d’exploitations affermées et morcelées, un obstacle physique sérieux à l’établissement des lignes de distribution dû aux nombreux talus plantés d’arbres et de haies et surtout une absence presque totale de grandes centrales hydroélectriques ou thermiquesNote_1 .
Rappelons que la société Électricité De France (EDF) a été créée le 8 avril 1946 par le vote à l'Assemblée nationale de la loi de nationalisation des secteurs de l'énergie. Les biens de 1450 entreprises de production, de transport et de distribution d’électricité ont été nationalisés et transférés à EDF. La loi instituait un monopole sur la production d'électricité et sur sa distribution, avec des exceptions pour les gros consommateurs (SNCF, Charbonnages de France) et les régies (dont les syndicats d'électrification rurale).
Le Finistère cette même année était le département le moins électrifié avec seulement 43 % de la population bénéficiant de l’électricité.
La séance du 10 août 1947, fait état de l’affiliation au syndicat d’électrification de Daoulas. Le conseil municipal, « considérant qu’il y a lieu d’envisager l’électrification de la commune et que le meilleur moyen d’y parvenir est de se grouper avec les communes environnantes faisant partie du syndicat d’électrification de Daoulas ». Jean Quillien et François Callec sont les deux représentants communaux de ce syndicat.
Afin de favoriser l’électrification de la France, le Ministère des travaux publics initie les formations de syndicats départementaux des Collectivités concédantes de gaz et d’électricité faisant suite aux nationalisations des compagnies de gaz et d’électricité sur le territoire.
Le maire donne lecture lors du conseil du 7 janvier 1948 des statuts de ce syndicat et s’engage « à voter les crédits nécessaires pour payer les cotisations et contributions déterminées par le comité du syndicat ». Ainsi lors de la séance du 1er octobre 1950, la commune « autorise le prélèvement de 10 % sur les surtaxes revenant à la commune pour faire face aux dépenses de fonctionnement du syndicat d’électrification de Daoulas. »
Le 11 février 1951, le maire expose « à l’assemblée qu’il est possible de demander l’inscription au plan d’équipement national d’une tranche de travaux d’électrification (postes n°1 et n°4). » Ainsi « un devis a été établi s’élevant à 14 500 000 francs, les travaux comprennent la construction de 1km700 de ligne à haute tension, la construction de deux postes et leur équipement comprenant un transformateur et la construction de 14 km de ligne basse tension. » Le conseil demande des subventions et s’engage à faire les emprunts nécessaires. Il votera le 15 avril 1951, la contraction d’un « prêt de 14 500 000 francs au taux de 6 % amortissable en 30 ans, l’annuité s’élève à 1 053 409 francs. » Le 9 septembre 1951, le maire fait connaître au conseil la nécessité pour « la construction des transformateurs » par EDF de donner une parcelle de terrain « situé en bordure du chemin vicinal n°1 » et « sur le chemin vicinal n°2 dit de Penbran à Trévarn ».
La séance du 31 mai 1953 fait état d’un nouvel emprunt de 5 millions de francs pour des travaux d’électrification. Celle du 13 septembre 1953 évoque « que pour l’électrification du secteur de Kersulec et Balanec (poste n°4), il faudra mettre à la disposition d’EDF pour la construction du transformateur, une parcelle de terre, située en bordure du chemin rural de Ty Gwen, parcelle non cadastrée et classée comme terrain vague et appartenant à la commune. »
Le 25 octobre 1953, le conseil autorise l’extension de ligne électrique vers une habitation du bourg qui est en construction. Cette construction de ligne nécessite un poteau supplémentaire qui est à la charge de la commune. Cette première demande amène le conseil à décider « qu’à l’avenir, les frais d’extension de ligne seront pris à charge de la commune que pour un maximum de 5 000 francs. » Le 31 janvier 1954, le conseil nous apprend qu’un nouveau prêt de 13 420 000 francs est contracté par le syndicat intercommunal et que la commune de Saint-Urbain accepte de « garantir l’emprunt du syndicat d’électrification de Daoulas, à concurrence de 3 050 000 francs sur 30 ans, et d’assurer si besoin le paiement régulier des annuités ». En 1955, on apprend que deux nouvelles maisons veulent se relier au réseau électrique et la commune les fait participer à l’extension du réseau au-delà de 5 000 francs de travaux.
La séance du 13 septembre 1959 nous apprend que Saint Urbain est doté d’un éclairage public (mais depuis quand ? mystère…). Le conseil « décide d’installer une lampe en haut du bourg pour l’éclairage public, et de changer les deux lampes existantes. » Les registres de conseil ne parleront que peu des évolutions futures en matière de développement électrique de la commune.
Pour élargir le propos au Finistère, il faut noter que notre département a connu une progression poussive. En effet, en 1939, le problème de l’électrification des campagnes se posait en Bretagne de par la dispersion des habitations, la densité plus forte des populations côtières, l'insuffisance des moyens de transport et l'insignifiance de la plupart des cours d'eau intérieurs. En outre il fallait compter avec un facteur psychologique important : le cultivateur, par méfiance ou par esprit d'économie, préférait sa lampe fumeuse à pétrole que la lumière électrique. Et dans les années 1920, le développement urgent et indispensable du réseau des chemins ruraux avait la priorité des collectivités locales. Dans le Finistère, « C’est la ville de Chateaulin » , nous dit Anne GuillouNote_2 , « qui, utilisant la chute d’eau de l’écluse à Coatigrac’h, sera la première cité finistérienne (la troisième en France) à s’éclairer aux "ampoules électriques" dès le 20 mars 1887 ».
Elle écrit : « Il y a foule ce jour là à Chateaulin. De 9 000 à 10 000 personnes sont venues de partout. Le succès a dépassé toutes les espérances et les plus récalcitrants sont devenus les plus convaincus. La réussite est là, immense, palpable. Ces petites lampes à la lumière brillante que d’un mouvement de doigt on allume à distance, quel émerveillement ! » Outre les difficultés techniques et financières, l’une des raisons à la progression lente de l’éclairage électrique est la résistance des compagnies de gaz avec lesquelles les communes ont signé de très longs contrats difficiles à rompre (parfois 50 ans). Ce fût le cas de Landerneau.
La « Compagnie d'Électricité de Brest et Extensions » relance à plusieurs reprises la municipalité de Landerneau en mettant l’accent sur le fait que des localités d’une importance moindre, assurent par l’électricité la totalité du Service de l’éclairage public. Il faudra attendre 1923 pour que, après une longue procédure, l’électricité éclaire les rues de LanderneauNote_3 , et bien plus tard pour celles de Saint-Urbain.
Julien POUPON